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FABLES et NOUVELLES
22 avril 2011

Les Soeurs Pucerons

 

Les Soeurs Pucerons

 

 

Sur un rosier aux tons chatoyants

Etaient installées deux soeurs pucerons,

Clones de leur mère, aux contours ronds,

Aux ventres, aux abdomens verdoyants.

Pareilles de corps mais différentes de pensée,

Seule la gourmandise les rapprochait un peu :

Dans un jeune pousse la trompe bien enfoncée

Elles aspiraient leur ambroisie avec feu...

Pour faire taire les deux

La soupe annoncée .

Elles adoraient donc toutes les deux la sève,

Mais l’une, la plus jeune, avait pour rêve

De connaître les tiges de toutes les autres fleurs ;

Distraites, elle ne prenait garde aux prédateurs !

L’aînée, elle, se mirait dans chaque gouttelette

Comme si la perle lui disait : Toi seule est belle.

Sans cesse, elle se plaignait de sa cadette :

« Mère ! Mère ! la musique de ma sauterelle

Elle écoute encor ! »

Ou : « Maman ! Elle s’est reposée sous ma feuille !

Si elle recommence tu seras en deuil ! »

Sans pousser trop l’effort

Cela se ferait, elle le savait...

« A quoi pensai-je lorsque je la sauvai

De l’Ogre rouge à sept points,

Et plusieurs fois ! »

–  Celle qui eut le plus devrait se plaindre le moins !

Et tu geins, tu aboies,

Tu amènes toute l’attention à toi !

Si tu voulais voir, ma fille, avec quels soins

Elle veut apprendre de toi

Tu serais fière d’elle, et de toi plus encor :

C’est de cette façon que l’on devient plus fort ...

Mon aînée, j’ai d’autres enfants à surveiller,

Pour ton bien-être et le sien

L’une sur l’autre vous devez veiller, »

Finit la mère qui ne lui dirait plus rien.

 

Ma mère, pensa-t-elle, me blesse

Mais n’est-ce pas preuve de faiblesse

Qu’une mauvaise attitude pardonnée ?

« Elle me suit partout

Comme une puce sur un matou, »

Reprit à haute voix l’aînée,

Puis hurlant comme une damnée

En pointant, braquant les yeux vers sa soeur :

« Elle a cassé ma première exuvie !

–  Mais moi aussi je t’ai déjà sauvé la vie ! »

Cria la cadette, - le mal au coeur - ,

Qui se tut jusque-là pour être défendue

Par celle dont elle était issue.

« Pour des bêtises de petites filles

Tu m’en veux, tu m’étrilles,

Tu me donnerais à la Mort,

A l’écarlate monstre qui nous dévore !

Or, te sauver, je continuerai à le faire

Car notre vie est éphémère ! »

 

 

 

Les soeurs pucerons en même saison

Effectuèrent leur ultime mue.

Comme Nature ne fait comparaison

C’est au repas, à la panse repue,

A la somme de nutriment convenue –

Et non à la taille  ou  l’heure à laquelle

On vit le jour, on naît

Qu’est déterminé le moment où l’on renaît

Dans une peau neuve pourvue d’une solide aile ;

La soeur aînée en fut courroucée davantage,

Se sentit désavantagée

Sans savoir que Dame Nature point n’avantage

Que l’on soit jeunette ou âgée !

 

 

 

 

La première-née tournoyait,

Le mur du vent broyait,

Comme feu follet tournaillait.

Pour sa part, la puinée,

L’affolement la tiraillait :

Sera-t-elle ruinée

Sa vie lorsqu’elle prendrait son envol ?

Puis elle regarda sa soeur

Pourfendre encor et encor Eole,

Alors courage vint pour son malheur !

Elle agita ses ailes, se souleva

Légèrement,

Hésita un moment

Puis la tête leva,

Vit au sommet un jeune pousse,

Un gros bourgeon :

Elle éviterait peut-être de cette gousse

Un mortel plongeon...

 

 

La première soeur puceron

Contempla sa cadette sur l’épineux tronc :

Elle grimpait, grimpait...

Mais l’aînée ne vit pas que elle !

Bien qu’à elle la liberté s’offrait

Elle n’avait pas abandonné - la cruelle ! -

L’idée de se venger !

Elle fendit l’air jusqu’à la canopée,

Ma soeur m’encouragerait ? se dit la puinée.

Elle trouva cela drôle

De voir sa soeur voltiger,

Virevolter comme une folle ;

Résolue, plus vite elle se mit à bouger.

 

Sitôt arrivée à la cime

Sa vision ultime

Fut le visage riant de sa soeur aînée,

Car cachée par une feuille

A l’arête mamelonnée

Comme l’écueil

Par l’écume d’une vague vivace,

Sa prédatrice mortelle,

Monstre vorace,

Une coccinelle

La mangea de la cervelle

Aux pattes postérieures !

L’aînée, le regard satisfait,

Fière de son forfait

Entrevoyait des saisons meilleures,

Pensait à sa liberté –

A ce gain mal acquis – ,

A ce qu’elle ferait avec ses amis

En toute intimité

( Mais l’ami est apôtre,

Il prêche d’une personne à l’autre

Et bien souvent

Il met du temps

A revenir vers la personne de foi

Car l’amitié n’a pas de Loi !)...

Seulement Mère Nature

Reine de cet insecte

Trouvant la manoeuvre infecte

Décida de punir sa progéniture.

Alors qu’elle rentrait d’un vol léger

Une bourrasque soudaine

Provoquée par le doigt de la Nature Reine

Montrerait mieux ce qu’est se venger

Car notre soeur assassine

Alla se coller sur une toile d’araignée !

Elle n’eut point le temps de faire triste mine :

Les crocs de l’araignée

Déversaient déjà leur venin...

Le sort de sa cadette

Fut plus enviable, enfin !

Si mieux est d’être mangé par la tête !

 

 

Tandis que son intérieur de proie

Se liquéfiait,

Se dissolvait,

Pour la première fois

Son geste regrettait :

Ma soeur qui sans cesse m’observait

Qui autrefois

La vie me sauva, maintenant en toi

J’ai foi !

 

 

Mais le repentir point ne la sauva

Car Mère Nature appliqua

La sentence de sa Loi..

 

 

La vie d’un insecte est courte

Plus longue est la nôtre ;

La saine fraternité qu’on écourte

Pour une amitié, ou autre,

Est vouée à l’échec...

Renier pour une prise de bec

Ce qu’a tissé les liens du sang

Est une fatale erreur, mon enfant.

 

Précieuse soeur dont on écarte le souvenir

Dans la tourmente ne pourra nous soutenir !

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